Jardin partagé Porte d'Auteuil : cultiver la Petite Ceinture

Nous avons rencontré l’équipe de l’association Horizon Verdure, qui gère et entretient un jardin partagé créé en 2019 et installé le long de la Petite Ceinture du 16ème arrondissement, non loin de la Gare d’Auteuil. Leur démarche est à bien des égards emblématique des mutations actuelles de la Petite Ceinture, qui se transforme sous l’impulsion des riverains, qui s’approprient cet espace et le façonnent.

« Voilà, c’est notre petit bout de paradis ». C’est ainsi que Stéphane Chartier, trésorier de l’association Horizon Verdure 16ème Sud, nous accueille au Jardin partagé Porte d’Auteuil, sur la Petite Ceinture du 16ème, alors qu’une fine pellicule de neige recouvre le jardin en ce mois de février.

Il y a plusieurs manières d’accéder à ce jardin d’Éden : par le sud, via un étroit sentier qui longe par la gauche l’ancienne gare d’Auteuil (aujourd’hui transformée en brasserie) et qui se faufile entre immeubles modernes et terrain en friche – nous y reviendrons ; par un escalier situé devant le 75 boulevard Montmorency ; ou, si l’on vient depuis le Ranelagh, par le bucolique « sentier nature » où nulle trace, ou presque, ne subsiste de la Petite Ceinture qui autrefois passait ici : au contraire, l’épaisse végétation qui a envahi l’ancienne emprise ferroviaire évoque plus un bois qu’une artère de transport.

Le jardin est niché dans un creux avant que la ceinture ne s’étende, à l’endroit précis où les deux rails devaient se scinder en une multitude, annonçant la venue de la gare d’Auteuil, là où autrefois le train devait ralentir avant d’entrer en gare. Comme ailleurs sur la Petite Ceinture, la ville a financé ici la création d’un jardin partagé, dont elle délègue la gestion à une association de quartier. C’est ici l’association Horizon Verdure XVIème Sud qui gère aujourd’hui ce projet collectif. Ici, tout est fait avec élégance : les bacs, disposés en plusieurs demi-cercles concentriques, ont été construits en novembre 2019 en pierre sèche à l’occasion d’un chantier participatif conçu par l’agence d’urbanisme Oikos et l’atelier NOUS. Du tressage en osier complète la délimitation des jardinières.

L’Association Horizon Verdure a été constituée comme collectif du quartier Auteuil Sud afin de faire valoir la voix des habitants, en particulier en matière d’aménagement urbain–cette association a notamment lutté contre l’expansion du complexe d’entrainement et de compétition de Roland Garros sur le site de l’ancien stade Georges-Hebert, obtenant après négociations des modifications du projet.

« Au lieu de se positionner en opposition constante, nous avons fait le choix d’être constructifs et de montrer que nous étions des acteurs locaux au-delà de la simple protestation », nous explique Stéphane.

C’est cet esprit de mobilisation citoyenne qui anime les jardins : chaque adhèrent est responsable de la culture de « son » espace jardinier, qui s’intègre aussi dans un schéma collectif. Le tracé en demi-cercle des bacs permet l’expérimentation de plusieurs cultures, légumes ou fleurs, selon les envies et les besoins de chacun. Les membres se retrouvent pour des chantiers collectifs, par exemple la mise en place de système d’irrigations.

Au-delà du jardinage, l’association a récemment installé une boite à livre dans le jardin. Ce chantier a pris un peu de retard, au grand dam de Stéphane qui déplore la difficulté de trouver à Paris un prestataire qui travaille au budget alloué par la mairie. C’est finalement un ferronnier venant hors de la région parisienne qui a réalisé la boite, pour le plus grand bonheur des adhérents et des promeneurs avides de lecture. Comme pour le reste du jardin, si la ville finance, ce sont bien les adhérents qui gèrent.


L’association Horizon Verdure compte aujourd’hui environ deux cents membre (le jardin en particulier est géré par une vingtaine de personnes), pour la plupart recrutés sur place les samedis matin, pendant la permanence. Il est facile d’imaginer, même en ce matin gelé, les raisons de la popularité d’une telle initiative.

Aujourd’hui, les jardins proposent aux résidents du quartier un microcosme d’une vie en phase avec la nature et l’environnement, certes, mais surtout l’opportunité de créer du commun. Ainsi, les trois composteurs installés rencontrent un tel succès qu’il faut en règlementer l’accès. Alors que faire? Si l’installation de quelques composteurs supplémentaires est possible, Stéphane et les gérants de l’association savent que ce type d’intervention doit être étudié, et approuvé par la Mairie et les associations d’insertion, sur ce tronçon en particulier l’association ESPACES, qui ont à charge de gérer l’écosystème présent sur le sentier nature: l’installation d’un rat au cœur d’un des composteurs a mené à un renforcement des boites pour empêcher la prolifération des nuisances.

Mécaniquement, les yeux de Stéphane se tournent vers la gare d’Auteuil. Nous le suivons alors que s’ouvre l’entonnoir de l’ancienne gare, qui était jusqu’en 1985 le terminus de la ligne d’Auteuil, qui empruntait les rails de la Petite Ceinture entrePont Cardinet et Porte d’Auteuil. A notre droite se dressent deux hauts bâtiments modernes. Abritant 176 logements sociaux, l’ensemble a été pendant près de dix ans au cœur d’une dispute entre certains élus de la mairie d’arrondissement et certains élus de la Ville de Paris, propriétaire du terrain par le biais de Paris Habitat. Au centre, un petit chemin étroit s’enfonce en descendant vers la rue.

A gauche, un énorme espace en friche, fermé par des grilles, et où le vent hivernal brasse la fine neige. Cette friche est un espace en devenir: la compagnie de Phalsbourg, promoteur et investisseur immobilier, a remporté en 2019 le concours « Réinventer Paris ». Il est prévu la construction d’un complexe appelé «Ma petite cabane» par ses concepteurs, lieu « conçu pour les enfants et les familles » qui offrira « école de codage » et des savoirs numérique, ateliers de gastronomie, espace d’art numérique, cours d’Histoire et de mythologie, ateliers pédagogiques autour du végétal, café-fleuriste, etc.», selon le site de la compagnie.



La livraison est prévue en 2021, mais sans spéculer sur les longueurs relatives à la construction immobilière, il est assez probable que cette friche reste vide d’exploitation au printemps. L’association Horizon Verdure propose d’ouvrir l’espace à ses adhérents afin de planter d’autres cultures hors sol, mais surtout d’installer une dizaine de composteurs en plus, élargissant l’accès aux cafés et restaurants du quartier. Une telle opération permettrait de générer assez de compost pour fertiliser une exploitation à l’échelle du quartier

Si l’attribution du foncier parisien est un processus complexe qui échappe complètement aux Promeneurs de la Petite Ceinture, il nous parait évident que la jachère d’un tel lieu est dommageable, a fortiori quand un collectif qui a fait ses preuves porte un projet prometteur, tant sur le plan social qu’environnemental.

Nous faisons confiance à l’Association Horizon Verdure pour cultiver la PetiteCeinture, et espérons que la Compagnie de Phalsbourg s’inscrira dans cette logique. Si l’installation d’une boite à livres est un projet plus humble que la création d’un ambitieux tiers lieu, la première a le mérite de mettre en valeur et de faire vivre simplement un espace singulier dans l’urbanisme de l’ouest parisien.

Voici, peut-être, une définition du paradis: cultiver ce qui existe déjà sur terre.



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