By the silent line

Étrange réminiscence, partout en Europe gisent des vestiges de la révolution industrielle. Au cours du XVIIIe siècle, alors que la population continuait de croître, de nouvelles techniques furent développées afin de produire davantage, plus rapidement et à moindre coût. Cette vague de changements radicaux culmina avec l’avènement du rail, permettant une puissante impulsion économique.

L'un de ces vestiges gît à Paris. La Petite Ceinture est une voie de chemin de fer en sommeil, entourant la ville de lumière sur un tracé de 32km. Depuis que son accès a été fermé, les rails restent anonymes, appartenant à un passé oublié. Pourtant, la Petite Ceinture a connu une période glorieuse. Au début du XIXe siècle, les différents réseaux ferrés parisiens n’étaient pas connectés. Les transferts étaient ainsi réalisés à la force du cheval, dans une capitale qui n’était pas encore dotée de larges boulevards. Le projet devint une nécessité afin de faciliter la circulation des hommes et des biens. Sa construction, vue comme une invitation au progrès, commença en 1852. La fréquentation de la ligne s’avéra considérable dès les premières années d’exploitation et connu son apogée lors de l’exposition universelle de 1900 présentant la tour Eiffel. Néanmoins, son exploitation ne survécut pas à l’invention de l’automobile et à l’avènement du métropolitain. De fait, le transport de voyageurs s’interrompit en 1934. Si différentes sections furent utilisées pour le fret jusque dans les années 90, sur une partie de son tracé la ligne est depuis devenue silencieuse. Étrangement, celle-ci n’est pas tombée en ruines. Au contraire, son infrastructure a été maintenue en condition. Telle une rivière, ses berges évoluent sans cesse mais elle persiste. Herbes, fleurs et petits arbres émergent de son lit. Le vestige est devenu une frontière, un endroit intime où passé et modernité se rencontrent.

Notre société transforme son propre habitat de bien des façons. En particulier, les actions humaines telles que les changements de paradigmes technologiques, ou encore le découpage fonctionnel du tissu urbain, façonnent notre environnement. En tant que sous-produits de ces transformations, des espaces résiduels apparaissent parfois dans les interstices de notre habitat. Ceux-ci sont généralement qualifiés par la société de friches. En effet, pour un esprit fonctionnel et rationnel, apparaissent comme gâchés, comme des parasites aux espaces utiles et organisés. Il y a pourtant, dans cet état éphémère et dans l'incertitude de son résultat, une poésie très singulière. Pour l'explorer, ce travail photographique s'intéresse à une cicatrice urbaine chargée d'histoire : la Petite Ceinture.

Ce travail, commencé en 2011 et réalisé à la chambre photographique à l'aide de négatifs couleurs grand format, est une manière de maintenir la mémoire d’un symbole et de témoigner de notre capacité - en tant qu’espèce - à questionner, reconsidérer et transformer notre habitat.

Tranchée de la rue Leibniz, 18ème arrondissement, en 2013

Tranchée du parc Montsouris, 14ème arrondissement, en 2011

Le long des boulevards des Maréchaux, 12ème arrondissement, en 2013

Tranchée du boulevard Emile Augier, 16ème arrondissement, en 2014

Sous les entrepôts Ney, 18ème arrondissement, en 2011

Pont de la rue Picpus, 12ème arrondissement, en 2013

Pont craqueur du canal de l'Ourcq, 19ème arrondissement, en 2012

Pont de l'avenue de Flandre, 19ème arrondissement, 2013

Gare de Flandre, 19ème arrondissement, 2013

Tranchée du boulevard Emile Augier, 16ème arrondissement, en 2013

Ménilmontant, 20ème arrondissement, en 2012

Tranchée du parc Montsouris, 14ème arrondissement, en 2014

Tunnel de la flêche d'or, 20ème arrondissement, en 2013

Pont de l'avenue de Clichy, 17ème arrondissement, en 2012

Promenade aménagée rue de Vaugirard, 15ème arrondissement, en 2014

Pierre Folk est un photographe d'art français travaillant sur le thème de l'aménagement du territoire et du découpage du tissu urbain. Il travaille exclusivement à l'argentique, à la chambre photographique à l'aide de négatifs couleur grand format. Les tirages de ses photos sont disponibles en le contactant via son site internet ou son compte Instagram.

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